Aller au contenu

Page:Eugène Le Roy - Les Gens d’Auberoque, 1907.djvu/301

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

pouvait se faire en face du soleil. Il fixa donc la cérémonie à neuf heures du soir : à ce moment, la nuit couvrirait de ses voiles cette union scandaleuse.

Les témoins du mariage furent, avec l’ami Farguette, le forgeron Gardet, Delbrel le cordonnier et le maçon Surgeac, tous républicains et braves gens. M. Bourdal s’était bien promis d’être l’interprète de ses administrés, et de faire sentir aux mariés son improbation et celle de toute la commune. Mais il était lâche, et le regard de M. Lefrancq, arrêté sur lui avec une acuité significative, lui fit rentrer les paroles dans la gorge.

À l’exception des témoins et de deux ou trois autres personnes, ce mariage civil indigna toute la population d’Auberoque. Dédaigner ainsi ce qu’ils révéraient extérieurement, — car, au fond, ils en prenaient à leur aise avec la religion ! — paraissait une injure personnelle à chacun et à tous. C’était entre eux, particulièrement entre les femmes, des complaintes hypocrites et des mépris joués, à faire pouffer de rire. Il fallait entendre l’irréprochable mademoiselle Zoé conférer là-dessus avec l’honnête madame Goussard, descendue du château tout exprès pour cela ! Jusqu’à Ninon la Polonaise, qui prenait des airs pincés en parlant de ce triste événement aux pratiques qui venaient acheter un écheveau de fil dans la boutiquette que lui avait montée