Page:Eugène Le Roy - Les Gens d’Auberoque, 1907.djvu/309

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Arrivé devant l’église, M. le maire s’arrêta, se retourna vers l’évêque, déplia son manuscrit et commença de lire son discours en bégayant d’émotion. Ce discours était honnêtement insignifiant ; mais on n’attendait pas de merveilles oratoires de M. Bourdal, de façon que chacun écoutait distraitement les phrases qui filaient, filaient comme un bon macaroni au gratin. Pourtant à un moment, un mot singulièrement placé fit lever la tête au secrétaire de monseigneur, jeune abbé coquet et rieur, qui poussa du coude le curé Camirat, son voisin. M. Bourdal avait un faible pour l’adverbe « incommensurablement », qui n’en finissait plus dans sa bouche, et il l’avait fourré dans sa harangue, çà et là, hors de propos. Outre cela, il avait lardé ladite harangue de quelques phrases prud’hommesques comme il les affectionnait, bien choisies pour la circonstance :

« La crainte de Dieu est le commencement de la sagesse » ; « la France est la fille aînée de l’Église » ; « rendons à César ce qui appartient à César », et autres de cette force.

Tout cela venait comme des cheveux sur de la soupe aux choux cabus : aussi les prêtres, heureux de se moquer d’un laïque, d’un magistrat municipal, qui plus était, s’adressaient des regards d’intelligence qui disaient clairement :

« Quelle buse, ce maire d’Auberoque ! »