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Page:Eugène Le Roy - Les Gens d’Auberoque, 1907.djvu/311

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Quelques personnes d’Auberoque épiloguaient aussi là-dessus, entre autres la cérémonieuse madame Monturel ; mais le plus choqué fut le frère Auxilien, qui méprisait fort madame Chaboin :

— Monseigneur doit avoir ses raisons pour agir ainsi, disait-il à son « bini » en revenant de l’église ; mais pourtant je voudrais bien les connaître !

Ses raisons, monseigneur ne les disait pas ; quant à celles de madame Chaboin, elles se devinaient assez.

Ravie de la présence de l’évêque à sa table, présence qui la vengeait des dédains de la noblesse et du propos soldatesque du colonel, la châtelaine s’était évertuée à le recevoir d’une manière particulièrement honorable. Elle avait eu le soin de substituer à la chaise cannée des autres convives un beau fauteuil doré pour monseigneur. En outre, de chaque côté, un espace vide le séparait de ses voisins, et, tandis que tous les autres avaient des couverts d’argent, l’évêque en avait un de vermeil. Madame Chaboin avait même voulu dresser un dais de table au-dessus du fauteuil épiscopal ; mais le curé Camirat lui avait fait entendre que son zèle pieux dépassait la mesure.

Au cours du dîner, madame Chaboin s’efforça d’être humblement aimable avec cet hôte éminent ; elle eut pour lui des prévenances et des attentions qui contrastaient fort avec ses façons ordinaires,