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VIII


Dans le temps que Mlle  de La Ralphie, devenue orpheline, s’établissait à Guersac, Damase, arrivé à Oran, faisait son instruction militaire au 2e chasseurs d’Afrique. Cette période de la vie de soldat est encore assez pénible et l’était beaucoup plus autrefois. Il fallait à un jeune homme ayant quelque éducation, des habitudes polies et de la délicatesse de goûts, une certaine force de caractère et une énergique volonté pour surmonter les ennuis des débuts. Outre les fatigues de l’apprentissage du métier de soldat, assez sérieuses, surtout dans la cavalerie, il fallait tenir bon contre les brimades et les farces énormes des vieux soldats qui abondaient dans les anciens régiments, particulièrement dans ceux d’Afrique.

Dès son arrivée, Damage fut mis à l’épreuve. La bienvenue obligée se résuma en une notable quantité de peaux de bouc remplies chez le maltais voisin d’un gros vin d’Espagne, noir comme de l’encre et très capiteux. Les hommes à cheval sur leur lit, dans les baraques de campement, fumaient, et à la ronde buvaient à la régalade, ou accolaient la petite outre, comme eût dit maître François ; après quoi, ils reprenaient leur pipe, et, leur tour revenu, élevaient derechef la peau de bouc en l’air et recevaient le jet dans leur bouche altérée, avec une habileté qui dénotait une grande habitude de cet exercice. Lorsque les têtes furent échauffées, les chansons com-