Page:Eugène Le Roy - Mademoiselle de la Ralphie, 1921.djvu/134

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mencèrent ; chansons de corps de garde, à faire frémir des conscrits, braillées sur tous les airs et même sur celui des vêpres.

Il n’y avait guère là dans le peloton où avait été placé le cavalier Vital (Damase), comme portait son livret, que de vieux soldats chevronnés, à figures basanées, à barbes incultes, illettrés presque tous ; vieux routiers connaissant le fourbi, chapardeurs par instinct et par nécessité ; dans le nombre, pas mal de remplaçants ayant, selon l’expression soldatesque, « vendu le cochon de leur père ». Au demeurant, tous braves soldats, durs à la peine, supportant la misère stoïquement, mais se revenchant à l’occasion. Cette société de gens grossiers et déjà quelque peu ivres, n’était guère faite pour plaire à Damase qui, quoique né dans une condition très inférieure, s’était élevé déjà et aspirait encore à monter intellectuellement et moralement.

Les fumées du vin, celles du tabac et le tapage croissant lui donnèrent mal à la tête. Il ôta sa veste et son fez, prit le bidon d’eau de la chambrée et sortit de la baraque pour se rafraîchir la figure.

— Hé conscrit ! t’as le mal de mer ?

Et quelques chasseurs, sortis pour voir le « bleu » « piquer son renard », le goguenardaient, tandis qu’il se débarbouillait.

— Y se lave comme un vrai arbico.

— Tu sais, conscrit, Mahomet l’a dit : y te faut commencer par le coude…

— Et finir par la bouche, ajouta un autre.

— Sans changer d’eau, acheva un troisième.

Et tous se mirent à rire.

Cela alla bien d’abord. Damase ripostait sur le même ton, lorsque l’un des chasseurs aperçut sous sa chemise entr’ouverte la médaille de Mme Boys-