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Page:Eugène Le Roy - Mademoiselle de la Ralphie, 1921.djvu/186

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du nez. Anatole Decoureau alla même plusieurs fois à la pêche avec lui, sous prétexte d’apprendre à lancer l’épervier, et il essaya de le séduire. Seulement, comme malgré sa fortune il était pingre, et qu’en sa qualité de grand bourgeois il n’estimait pas à haut prix la conscience d’un pauvre diable de pêcheur, il offrit seulement quarante sous que La Loutre refusa bravement, disant que, ne sachant rien, il ne voulait pas voler cet argent.

Mais le plus rude assaut qu’il eut à subir fut celui que lui livra Mme Laugerie. Cette vaillante dame grillait d’envie de connaître le père du petit Gérard, pour son compte d’abord, et aussi pour celui de Mme Decoureau qui, pour des raisons à elle, tenait fort à le savoir. Toutes ces dames, d’ailleurs, avaient dit à la forte épouse du capitaine : « Il n’y a que vous pour confesser La Loutre. » Et elle s’était piquée au jeu.

Une après-midi, donc, tandis que les nombreux enfants du pêcheur jouaient dans les gabares échouées sur la grève et que sa femme lavait du linge au grand barrage, Mme Laugerie se glissa dans la maison, pomponnée comme une mule espagnole, et trouva La Loutre assis, raccommodant des verveux. Ce qu’elle voulait ? Parbleu, du poisson. La Loutre lui promit pour le lendemain un beau plat d’assées, puis on causa, et, de fil en aiguille, la femme du capitaine en vint à l’histoire en question.

Mais le pêcheur, suivant sa tactique ordinaire, protesta que tout ce qu’on en disait c’était des menteries : il avait dit cela en riant, voilà tout.

Malgré ses protestations, la dame insistait :

— Voyons ! À moi, à moi, vous pouvez bien me le dire ! Je vous jure que je n’en parlerai à personne. Allons, dites-le moi !