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Page:Eugène Le Roy - Mademoiselle de la Ralphie, 1921.djvu/187

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Et elle se rapprocha de La Loutre.

Lui ne comprenait pas pourquoi il devait plutôt qu’à une autre le dire à elle, qui ne lui prenait de poisson qu’une fois par an, dans la semaine sainte ; toutefois, il démêlait bien qu’elle avait quelque intérêt à le faire babiller.

— Pour me faire plaisir ! Allons, dites-le moi ! Si je pouvais faire quelque chose pour vous, moi, je le ferais !

Et la tentatrice tapait sur le genou du pêcheur et jouait de la prunelle.

« Que diable est ceci, pensait l’autre, cette bourgeoise est folle ! »

Lui, habitué aux sabots et aux cotillons de droguet de sa femme, était quelque peu émoustillé par le luxe provincial de la dame : bonnet à fleurs, robe légère, jupons à festons brodés, petits souliers à cothurne, dont les rubans s’entrecroisaient sur un bas de jambe assez bien fait : oui, tout cela le remuait un peu, mais il la laissait s’avancer sans comprendre… bougre !

Jusqu’où allèrent les choses, nul ne le sut. Le perruquier du coin, qui avait vu entrer Mme Laugerie et qui surveillait sa sortie, de la coupée de sa boutique, affirmait qu’elle était restée une bonne heure avec La Loutre et qu’elle en était sortie les oreilles rouges. Mais comme il fallait généralement dédoubler les dires de ce figaro périgourdin, certains concluaient de son récit que Mme Laugerie était restée une demi-heure chez le pêcheur et qu’elle en était sortie les oreilles roses seulement. Ce qu’il y eut de sûr et certain, c’est qu’elle en revint quinaude, n’en sachant pas plus que ci-devant.

Mais il n’est point de place imprenable ; où la force ouverte échoue, une ruse ou une autre réussit. Comme