Page:Eugène Le Roy - Mademoiselle de la Ralphie, 1921.djvu/31

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heureux d’avoir pu la préserver d’un affreux malheur, et, dans son émotion, il ne savait que répéter :

— Oh ! demoiselle ! demoiselle !

Ils revinrent sur le chemin, et Damase, avec son bâton, fit rouler le chien dans la rivière.

— Voyez-vous, dit-il à Valérie, il ne faudrait pas parler de ça. Si votre papa le savait, peut-être il ne voudrait plus vous laisser aller en classe au Prieuré, et il vous mettrait en pension chez les sœurs de Fontagnac.

Il dit cela tout ingénument, montrant ainsi combien il était heureux et fier d’être le conducteur, et, au besoin, le défenseur de sa jeune demoiselle.

Elle le comprit et répondit simplement :

— Oui, tu as raison, il n’en faudra rien dire.

Depuis ce jour, Damase grandit singulièrement dans l’esprit de Valérie. Son courage, la résolution et le sang-froid qu’il avait montrés le plaçaient hors de pair à ses yeux. Lui se sentait devenu presque un homme. L’orgueil viril de la victoire, qui l’avait transfiguré dans le premier moment, s’était résolu en une sorte de rayonnement intérieur qui se reflétait sur son visage, lorsqu’il venait à songer au bonheur qu’il avait eu d’être le sauveur de sa demoiselle. Toutes les fois, depuis, qu’allant au Prieuré ils passaient à cet endroit, appelé le Pas-du-Chevalier, la petite le regardait d’un air mémoratif qui le faisait heureux. Il n’entrevoyait rien de plus dans l’avenir que dans le présent ; il lui semblait que Mlle  de La Ralphie dût aller toujours à l’école de la sœur du Prieuré et lui l’accompagner et la protéger toujours.

Mais cette situation allait prendre fin. La tante de M. de La Ralphie étant venue passer quelques jours à Guersac, déclara que sa petite nièce étant dans sa douzième année, il était grand temps de la