Page:Eugène Le Roy - Mademoiselle de la Ralphie, 1921.djvu/49

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de grosse caisse des banquistes, accompagnés du bruit fatigant des trombones à coulisse.

Dans les ruelles désertes, écartées, dans les chemins bordés de murs, entre deux jardins aux abords de la ville, de nombreux couples d’amoureux erraient, serrés l’un contre l’autre, le garçon tenant la fille par la taille, se penchant vers elle ; d’autres stationnaient dans les coins isolés, se parlant face à face, les yeux dans les yeux, se tenant par les mains qui s’égaraient souvent, et, enflammés de passion, s’étreignaient parfois dans des embrassements dangereux. Ceux-là n’avaient pas besoin, pour s’entendre, du Parfait Secrétaire des Amants ; c’étaient des amoureux pour le bon motif, des promis impatients qui prenaient des arrhes sur l’avenir, et, quelquefois anticipaient sur les futures noces. Mais il y avait aussi des coureuses de foires et de frairies, sortes de filles de foires ambulantes et rustiques, coiffées d’un foulard voyant, rouge ou jaune, tortillé à la bordelaise, avec des accroche-cœurs sur les tempes et un air effronté. Celles-là menaient leurs amants d’occasion dans un cabaret borgne complaisant, ou, plus cyniquement, en plein air, dans les saulaies des bords de la rivière.

Sur les trois heures, la pluie recommença à souhait pour les débits et les auberges, qui se remplirent de nouveau, cependant que les bonnes gens économes ou pressés de rentrer au logis s’en allaient, deux à deux, souvent, abrités par de grands parapluies de coton, rouges ou bleus.

Dans la soirée, les ivrognes abondaient ; néanmoins comme c’est à ce moment-là seulement que les habitants de Fontagnac peuvent jouir de la foire, la plupart ayant leurs occupations dans la journée, il y avait « du peuple » dehors, selon l’expression locale. Même ceux qui étaient libres s’abstenaient prudem-