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Page:Eugène Le Roy - Mademoiselle de la Ralphie, 1921.djvu/62

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hanches s’arrondissaient, sa démarche se cadençait comme celles des femmes bien faites. Elle avait la peau d’une blancheur mate que l’émotion colorait d’une légère teinte rosée. Sous des sourcils épais et bien arqués, ses yeux, bleu foncé, brillaient de cet éclat singulier qui faisait dire aux gens : « Elle a des yeux à la perdition de son âme ! » Son opulente chevelure, d’un noir d’encre, se partageait sur son front en deux épais bandeaux à la vierge et se massait sur la nuque en un lourd chignon. On sentait derrière ce front, bien coupé, des pensées mûres déjà. Sa bouche, aux lèvres rouges et un peu fortes, était comme close par une expression de fierté qui corrigeait ce qu’elle aurait eu sans cela de trop sensuel. L’ensemble de sa physionomie attirait l’attention et commandait la réserve. Parmi les jeunes filles de la pension, une seule s’était familiarisée avec elle, c’était Liette, la petite Beaufranc ; les autres la trouvaient fière et ne l’appelaient que « la petite marquise ».

Quelquefois, à l’heure des récréations, Damase montait rapidement à sa mansarde, et, malgré l’éloignement, reconnaissait aisément, dans la cour du couvent, Valérie, qui dédaignant les jeux bruyants des pensionnaires, se promenait ordinairement avec Liette. Le dimanche, lorsqu’on menait les jeunes filles à la grand’messe de la paroisse, il se trouvait sur le chemin et il l’admirait marchant sérieuse, près de mère Sainte-Bathilde comme une élève privilégiée. Elle le voyait en passant ; sa figure ne trahissait aucune sensation, mais dans le coup d’œil rapide qu’elle lui jetait, Damase pouvait reconnaître qu’elle n’avait pas oublié son attachement et l’aventure du « Pas-du-Chevalier ».

Elle le trouvait singulièrement beau maintenant et admirait son air mâle et hardi. Elle se complai-