Page:Eugène Le Roy - Mademoiselle de la Ralphie, 1921.djvu/68

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changements ; toutefois, ils firent beaucoup jaser les bonnes gens de Fontagnac. Ce ne fut pas d’ailleurs tout d’abord que le nouveau clerc fut admis à la table de son patron. Celui-ci eut des hésitations lorsqu’il fut question de faire passer l’ancien domestique de M. de La Ralphie et le sien propre à l’état de commensal. Mais la situation était embarrassante ; on ne pouvait plus le faire manger à la cuisine ; le faire servir à part eût été gênant et ridicule ; bref, le notaire, sur l’avis de sa femme, passa par-dessus ses répugnances et Damase fut admis à la salle à manger. Quelques observateurs commentant les changements survenus dans la maison, les rapprochèrent du rajeunissement de Mme Boyssier et en conclurent que le clerc était aimé de sa patronne.

— C’est un heureux coquin ! dit un jour le Commandeur en forme de conclusion, après une confabulation avec quelques membres du Cercle sur ce sujet intéressant.

Cependant, la jalousie travaillait fort les têtes féminines de Fontagnac. Plusieurs des bonnes amies de Mme Boyssier lui enviaient ce beau garçon ; et, d’autres, qu’une jalousie positive ne tourmentait pas, ressentaient pourtant cette envie que portent les femmes dont la personne ou l’âge éloigne l’amour, à celles qui sont aimées. Ces charitables personnes n’eussent pas été fâchées que les bruits, vaguement répandus par elles, parvinssent aux oreilles du notaire et éveillassent sa susceptibilité maritale. Mais il n’en était rien. Uniquement occupé, en dehors de ses affaires, de sa passion pour les silex taillés et polis, M. Boyssier ne prêtait aucune attention aux commérages de la bonne société de Fontagnac. Outre son indifférence blasée sur ces choses, il connaissait la nature honnête et calme de sa femme, sa piété sincère, et il ne lui