Page:Eugène Le Roy - Mademoiselle de la Ralphie, 1921.djvu/70

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

La confidence de Liette eut pour résultat d’amener plus fréquemment la conversation des deux amies sur les choses de l’amour. Elles s’entretenaient de cet amusant idéal qui pénètre dans les pensionnats malgré les grilles et les règlements et trouble les jeunes filles aux alentours de l’âge de puberté. Valérie, plus femme déjà, dissimulait ses préférences, mais la bonne Liette, faisant le portrait de son futur mari, lui donnait tout naïvement les traits du clerc de M. Boyssier, ce qui faisait dire dédaigneusement à Valérie :

— Oh ! notre ancien domestique ! Tu n’y penses pas ma chère !

Ces entretiens n’allaient pas sans quelques hypothèses sur la nature même de l’amour, et les deux amies échangeaient leurs suppositions. Pour la petite Beaufranc, c’était un pur sentiment, le bonheur de s’aimer, la joie de se dévouer ; elle n’allait pas au delà. Mais Valérie pressentait autre chose, et quelquefois guidée par son tempérament, elle avait pour sa compagne des caresses qui troublaient celle-ci. Ces sortes de tâtonnements de deux jeunes filles encore ignorantes qui cherchaient à scruter les mystères de l’amour, échappaient à la supérieure, mais l’abbé Turnac, en confessant Liette, lui en arracha l’aveu. Le vicaire n’en parla jamais à Valérie, mais, en confession, il s’efforçait de gagner sa confiance par de pieuses protestations de sympathie en Notre-Seigneur, et, à l’église, la petite sentait parfois son regard peser sur elle.

Mme  Boyssier était comme Liette, elle n’avait plus de préjugés mondains. Dans les commencements, elle avait ressenti quelque honte intérieure à aimer un jeune homme à son service ; mais la force croissante de sa passion avait vite étouffé ce sentiment. D’ailleurs