Page:Eugène Le Roy - Mademoiselle de la Ralphie, 1921.djvu/82

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croyante pour cela. Renoncer à la communion ? Mais qu’allaient dire toutes les bonnes langues de Fontagnac ? Dans cette extrémité, elle se mit au lit et fit appeler le docteur Bernadet.

Après avoir tâté le pouls de la prétendue malade et s’être fait montrer une petite langue rose et pointue qui faisait penser à toute autre chose qu’à des drogues, le docteur, influencé par la fatigue des traits, n’osa pourtant se prononcer tout d’abord. « Il y avait, dit-il, des symptômes graves… », et il hochait la tête, « graves, mais insuffisamment prononcés ». Le lendemain, il diagnostiqua une fièvre maligne… compliquée de troubles de l’âge… et prescrivit divers remèdes et potions que la pseudo-malade jeta furtivement dans la cheminée. Grâce à ce bonhomme un peu crédule, le stratagème de Mme Boyssier réussit, mais il lui en coûta quelques jours de lit, après lesquels le docteur Bernadet lui permit de se lever et alla par la ville se donner le mérite de l’avoir sauvée d’une maladie grave… très grave…

Quels rires joyeux étouffés dans la poitrine de Damase, lorsque délivrée de la Faculté ainsi que des soins de la vieille Toinon, elle reprit ses ascensions nocturnes ! Elle redevenait enfant et espiègle en singeant, entre deux baisers, la gravité professionnelle du vieux docteur.

Ce fut deux mois de répit ; mais les fêtes de Noël approchaient, comment faire ? Il ne fallait pas penser à renouveler cette comédie, et les perplexités de Mme Boyssier recommencèrent. Ne pas faire ses dévotions, c’était avouer clairement son indignité, laisser deviner son secret ; et alors, quel scandale à Fontagnac ! Elle eût accepté, quant à elle, le mépris de ses concitoyens, mais elle craignait que ces bruits de ville n’arrivassent jusqu’à son mari.