Page:Eugène Le Roy - Mademoiselle de la Ralphie, 1921.djvu/81

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générosité naturelle et sa charité pour les pauvres s’exerçaient avec plus d’activité qu’autrefois. La morale réprouvait ses sentiments, mais tous ceux qui l’approchaient en bénéficiaient ; heureuse, elle eût voulu voir tout le monde heureux autour d’elle.

Damase, enivré par son initiation à l’amour, éprouvait encore un sentiment de fierté juvénile en songeant qu’il donnait le bonheur à cette charmante femme. Parfois, cependant, au milieu de ses ravissements intérieurs, quoique aussi peu coupable que possible, il ressentait, en songeant à sa conduite envers son patron, un remords sourd et lancinant, quelque chose comme une épine au profond de la chair. La passion ne pouvait étouffer ce remords, car il n’éprouvait pas cet amour puissant et exclusif qui possédait Mme  Boyssier. ; un sentiment antérieur s’y opposait ; il l’aimait par réciprocité et il lui était reconnaissant de son affection passionnée et de sa tendresse de cœur. À l’âge de Mme  Boyssier, l’amour d’une femme pour un tout jeune homme se résigne assez souvent à l’inéquivalence comme à une préparation à l’oubli futur qui est dans la nature des choses. Aux environs de la crise climatérique, le bonheur n’est pas d’être aimée, mais d’aimer ; aussi, Mme  Boyssier était-elle pleinement heureuse.

Cela dura ainsi jusqu’à la Toussaint. Chaque année, à cette époque, Mme  Boyssier communiait ; mais, cette année-là ; arrivée à la surveille de la fête, brusquement tirée de ses plaisirs coupables, elle se trouvait enfermée dans ce dilemme : aller se confesser en cachant tous ses péchés ou renoncer à la communion. Révéler le secret de son amour à l’abbé Turnac, à ce prêtre hypocrite et rusé ? « Plutôt la mort ! » pensait-elle. Le tromper et communier en état de péché mortel ? La pauvre femme était trop