Page:Eugène Le Roy - Nicette et Milou, 1901.djvu/25

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Aussi est-il sept heures, lorsque l’Audète passe le long des hauts murs de l’ancienne abbaye royale de Tourtoirac. Devant une auberge, en face de la halle, elle se plante avec sa bête et fait remplir sa chopine déjà vide. Ça n’est pas une mauvaise femme autrement, mais elle a toujours la gargamelle sèche.

Tandis qu’elle est là, trois ou quatre « platusses » de femmes s’assemblent et lèvent le mauvais châle, prêté par l’hospice, qui recouvre les bastes. Les petits « drolets », réveillés par le grand jour et par la faim aussi, vagissent et crient piteusement.

— Les gueuses qui abandonnent ces pauvres innocents devraient crever aux galères ! dit l’une.

Et, comme elle est nourrice, vivement elle dégrafe son corsage et, empoignant la petite Anicée, la colle contre son tétin :

— Tiens, bois ! Il en restera toujours assez pour mon drole.

La petite s’attache au mamelon comme une sangsue et pompe à pleines gorgées.