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Page:Eugène Le Roy - Nicette et Milou, 1901.djvu/65

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naissent de l’homme et de la femme, et que la mère les porte neuf mois ; mais sa connaissance ne va pas plus loin. Elle ne sait donc point ce que c’est qu’une fille mûre. Elle ne se doute pas qu’elle va l’être elle-même avant peu, cette crise passée.

La vue de l’hospice, là-bas, ramène sa pensée sur sa destinée. Qui sont ceux-là dont l’accointance féconde l’a jetée en ce monde ? Pourquoi sa mère ne l’a-t-elle pas étouffée à sa naissance ? Ou pourquoi le vieux Géry, ayant bu le soir quelques roquilles de trop, ne l’a-t-il pas laissée mourir de froid sur le banc de pierre ? Elle a tant souffert déjà, la pauvrette, que la mort secourable lui semble à cette heure le plus grand des bonheurs.

Mais, un jour qu’elle est là, pensant à ces choses tristes, voici Jean Rudel qui vient à passer, descendant au Maine par une « écoursière ». Une légère teinte rosée monte à ses joues ; elle serait rouge comme la crête de ses poules si elle avait beaucoup de sang. Il a dix-neuf ans maintenant, Jean, et il est « dru