Page:Eugene Simon - La Cité chinoise, 1891.djvu/80

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dans le culte domestique des Chinois. Préoccupés des ancêtres et de la postérité, ils s’habituent à vivre dans le passé et dans l’avenir presque autant que dans le présent. Leur fortune ou leur infortune ne les aveugle ni ne les désespère. Ils ne seront point toujours heureux, toujours puissants ; ils ne seront point toujours malheureux, toujours pauvres. Ceux mêmes qui ne vont point jusqu’à s’identifier ainsi avec les générations qui les ont précédés ou qui doivent les suivre gardent de la connaissance de leurs traditions familiales une façon d’envisager les vicissitudes des choses qui, tout compte fait, « établit entre les plus forts et les plus faibles une véritable égalité et supprime jusqu’à l’idée de castes et de classes sociales. Dans n’importe quelle famille, on a vu des grands mandarins, des vice-rois, des paysans, des ouvriers, et l’on en verra encore. De là, au lieu de l’envie et de la morgue, de la haine et de l’arrogance, cette bienveillance générale, cette douceur de relations, cette réelle fraternité que j’ai eu l’occasion de signaler.

Enfin, dans un temps où tous les esprits en France sont préoccupés de la nécessité et des difficultés d’une réforme judiciaire, on aura certainement remarqué le système chinois, cette self-juridiction si sûre, si rapide, si économique, si supérieure à tous les régimes européens ; et plus d’un lecteur se sera pris à regretter que l’état de nos mœurs nous en mette si loin que l’on ne puisse pas même rêver de lui rien emprunter.