Page:Eugene Simon - La Cité chinoise, 1891.djvu/79

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pays ? Ainsi compris, on peut dire qu’il n’y a pas de plus puissant moyen d’unité et de solidarité que le culte des traditions. L’on entend souvent dire : « Heureux les peuples qui n’ont pas d’histoire. » Cela est faux. On n’est, que parce que l’on a été. Il n’y a pas plus de nation sans histoire qu’il n’y a d’homme sans enfance et sans adolescence. Une nation sans histoire ne serait pas une nation. Il faut donc connaître l’histoire de son pays, car si on l’ignorait, cette histoire serait comme si elle n’était pas et ne porterait aucun fruit. Ce serait comme si l’on se plaçait soi-même en dehors de son pays ; ce serait perdre sa nationalité. Il faut élever l’histoire à la hauteur d’un culte ; et quel meilleur moyen, plus pratique, que de cultiver dans chaque famille ses propres traditions, ainsi que cela se fait en Chine ? Quelle est la famille, je dis la plus humble, dont les annales, entretenues avec soin et avec respect, ne s’identifieraient pas avec l’histoire nationale ? Connaissez-vous une histoire de France plus vraie et plus intime, plus profonde et plus haute, plus particulière et plus générale, plus humaine et plus attachante que l’Histoire d’un Paysan ? Ce n’est pas tout. Il est peu d’hommes qui, arrivés au terme ordinaire de l’existence et jetant un regard en arrière, ne la voient, sauf des circonstances exceptionnelles, à peu près également mêlée de succès et de revers. Mais il n’y en aurait aucun si, au lieu de ne s’étendre qu’à la médiocre durée de la vie humaine, leur souvenir pouvait embrasser plusieurs siècles. C’est ce qui a lieu