Page:Euripide, trad. Leconte de Lisle, I, 1884.djvu/20

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POLYXÉNÈ.

Que vas-tu m’annoncer ?

HÉKABÈ.

La volonté unanime des Argiens est que tu sois tuée sur le tombeau par le fils du Pèléide.

POLYXÉNÈ.

Hélas sur moi ! Parle, mère, explique-moi ce malheur horrible.

HÉKABÈ.

Enfant, je te dis une nouvelle affreuse. On m’annonce le suffrage des Argiens contre ton âme.

POLYXÉNÈ.

Ô mère qui as souffert tant de maux cruels, ô très malheureuse mère dont la vie est lamentable, quelle calamité très amère et inexprimable un Daimôn soulève-t-il encore contre toi ? Ton enfant ne t’appartient plus ; je ne partagerai plus ta servitude ni les misères de ta vieillesse ! Et tu me verras, malheureuse ! telle qu’un petit fauve nourri sur les montagnes, telle qu’une triste génisse, arrachée de tes mains, égorgée, envoyée vers Aidès, sous la terre noire où je serai couchée avec les morts. Et c’est toi que je pleure avec des gémissements lamentables, ô mère malheureuse ! Et je ne pleure point ma vie qui n’est qu’opprobre et misère ; car mourir m’est une plus grande félicité !