Page:Euripide, trad. Leconte de Lisle, I, 1884.djvu/317

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ques, Artémis ! que ne suis-je dans tes plaines, domptant les chevaux Vénètes !

LA NOURRICE.

Pourquoi jeter de nouveau cette parole insensée ? Naguère, ayant gravi la montagne, tu étais transportée du désir de la chasse ; et, maintenant, tu veux diriger tes chevaux sur le sable, le long de la mer ! C’est aux divinateurs de dire quel est celui des Dieux qui te tourmente et qui trouble ton esprit, ô enfant !

PHAIDRA.

Malheureuse ! Qu’ai-je fait ? Où erré-je, privée de raison ? Je délire, je suis tombée dans l’embûche d’un Daimôn ! Hélas ! hélas ! malheureuse ! Nourrice, couvre de nouveau ma tête. J’ai honte des paroles que j’ai dites. Couvre ! Les larmes jaillissent de mes yeux qui se détournent de honte. En retrouvant ma raison, je suis accablée de douleur. La démence est un mal ; mais il vaut mieux mourir, ne sentant point son mal.

LA NOURRICE.

Je couvre ta tête. Quand la mort couvrira-t-elle aussi mon corps ? Une longue vie m’a enseigné beaucoup de choses. Il convient, en effet, aux mortels de ne former entre eux que des amitiés modérées qui ne vont point jusqu’à la moelle de l’âme, des affections faciles à rompre, qu’on peut rejeter ou resserrer. Mais la douleur d’une âme qui souffre pour deux est un lourd fardeau ; et je souffre ainsi pour celle-ci. On dit avec vérité que les passions de la vie nuisent plus qu’elles ne charment, et qu’elles