Page:Euripide, trad. Leconte de Lisle, I, 1884.djvu/34

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

pour ma mort, mais pour m’annoncer un malheur ? Tu as péri, ô enfant, arrachée à ta mère, et moi, me voici, par toi, privée d’enfants ! Ô malheureuse que je suis ! Comment l’avez-vous tuée ? Est-ce en la respectant, ou en l’outrageant ? L’avez-vous tuée en ennemis, vieillard ? Parle, quoique tu ne doives pas dire de bonnes paroles.

TALTHYBIOS.

Femme, tu veux donc que je pleure deux fois de pitié sur ton enfant, car mes yeux se mouilleront en racontant son malheur, comme déjà ils se sont mouillés auprès du tombeau lorqu’elle mourait ? La foule entière de l’armée Akhaienne était réunie devant le tombeau pour le meurtre de ta fille, et le fils d’Akhilleus ayant pris Polyxénè par la main, la plaça sur le haut tertre. Et j’étais là, et des jeunes hommes Akhaiens, choisis et illustres, le suivaient afin de contenir de leurs mains le tressaillement de la victime. Et le fils d’Akhilleus, ayant en main une pleine coupe d’or, en faisait des libations à son père mort, et il me fit signe de demander le silence à toute l’armée des Akhaiens. Et, m’étant avancé, je dis au milieu d’eux : — Faites silence, Akhaiens ! Que tout le peuple soit en silence ! Silence ! taisez-vous ! — Et je fis que la multitude fut immobile, et il parla ainsi : — Ô fils de Pèleus, ô mon père, reçois ces libations expiatoires, évocation des morts ! Viens, afin de boire le sang noir et pur de la jeune vierge, que nous t’offrons, l’armée et moi. Sois-nous bienveillant ! Accorde-nous de détacher de nos poupes les cables des nefs, et, qu’ayant obtenu un heureux retour d’Ilios, nous puissions tous rentrer dans la patrie ! — Il parla ainsi, et toute l’armée s’unit à sa prière. Puis, saisissant la poignée de