Page:Euripide, trad. Leconte de Lisle, I, 1884.djvu/382

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

cet homme, pour qui je meurs, dénoua ma virginité, salut ! Je ne te hais pas, en effet, car tu n’as perdu que moi seule ; et je meurs pour ne trahir ni toi, ni mon mari. Une autre femme te possèdera, non plus chaste, mais plus heureuse peut-être. — Et, se jetant sur le lit, elle le baisa et l’inonda des larmes de ses yeux. Mais, s’étant rassasiée de larmes, et baissant le visage, elle s’arracha du lit, sortit de la chambre nuptiale, y rentra plusieurs fois, et se jeta sur le lit de nouveau et encore. Et les enfants, suspendus aux vêtements de leur mère, pleuraient ; et les prenant elle-même dans ses bras, elle baisait tantôt l’un, tantôt l’autre, comme si elle allait mourir. Et tous les serviteurs pleuraient dans les demeures, se lamentant sur leur maîtresse. Et elle tendait la main droite à chacun, et aucun n’était si humble qu’elle ne lui parlât, et qu’il ne lui adressât la parole. Tels sont les maux de la demeure d’Admètos. S’il eût dû périr, il serait mort ; mais, ayant échappé à la mort, il subit maintenant une si grande douleur, qu’il ne l’oubliera jamais.

LE CHŒUR.

Admètos gémit-il de ces maux, puisqu’il faut qu’une femme si excellente lui soit enlevée ?

LA SERVANTE.

Certes ! il pleure, tenant sa chère femme dans ses bras, et il la supplie de ne point l’abandonner, demandant l’impossible. En effet, elle s’éteint, consumée par le mal, et pèse dans les tristes bras d’Admètos. Cependant, bien que respirant à peine, elle veut contempler encore la lumière de Hèlios, quoiqu’elle ne doive jamais plus revoir