Page:Euripide, trad. Leconte de Lisle, I, 1884.djvu/448

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

nir ce qu’il veut, vaut mieux que prendre Troia. Et mot, je viens à l’aide de ma fille car je pense que c’est un grand outrage que d’être privée du lit nuptial. Une femme peut supporter d’autres maux moindres, mais qui perd son mari, perd la vie. Il convient que celui-ci commande à mes esclaves, et ma fille à ceux de son mari, et moi en outre, car il n’y a point de bien particulier entre amis, et tout est commun entre de vrais amis. Mais, pendant qu’ils sont absents, je ne veille pas pour le mieux sur leurs biens, j’agis en lâche et non en homme sage. Lève-toi donc et sors de ce temple de la Déesse, car, si tu meurs, cet enfant échappera à sa destinée. Si tu refuses de mourir, je le tuerai, car il est nécessaire que l’un de vous deux perde la vie.

ANDKOMAKHÈ.

Hélas sur moi ! Tu m’obliges à un choix cruel. Malheureuse en choisissant et malheureuse en ne choisissant pas ! Ô toi qui médites de grands maux pour peu de chose, écoute : pourquoi me tuer ? Pourquoi ? Quelle ville ai-je trahie ? Lequel de tes enfants ai-je tué ? Quelle demeure ai-je brûlée ? J’ai couché de force avec mon maître, et c’est moi, et non lui, auteur de ces maux, que tu vas tuer ! Le principe omis, tu te jettes sur la conclusion. Hélas sur moi, à cause de ces maux ! ô misérable patrie ! Que d’indignes souffrances je subis ! Qu’avais-je besoin d’enfanter et d’ajouter un double fardeau à ce premier poids ? Mais pourquoi me lamenter sur ces choses et non sur les misères présentes, moi qui ai vu le cadavre de Hektôr traîné derrière un char, et Ilios misérablement incendiée, et moi-méme traînée par les cheveux sur les nefs des Argiens, et, dès mon arrivée à Phthia, mariée