Page:Euripide, trad. Leconte de Lisle, I, 1884.djvu/47

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ser plutôt de nous perfectionner dans celle de la persuasion qui est la seule reine des hommes, afin de pouvoir persuader et obtenir à la fois ? Et comment espérerait-on encore être heureux ? D’une part, mes nombreux enfants, je les ai tous perdus, et, d’autre part, je m’en vais, esclave vouée à l’opprobre, et je vois la fumée qui monte au-dessus de ma ville ! Cependant, — peut-être est-il vain de mettre ici Kypris en avant ; mais la chose sera dite — auprès de ton flanc est couchée ma fille, l’inspirée de Phoibos, celle que les Phryges nomment Kasandra. Comment prouveras-tu, ô Roi, que ces nuits te sont douces ? Quelle gratitude auras-tu à ma fille des baisers très doux qu’elle te donne dans son lit, et quelle gratitude auras-tu pour moi à cause d’elle ? Car la plus grande reconnaissance naît chez les vivants de l’amour qu’ils goûtent dans l’obscurité des nuits. Écoute maintenant. Tu vois ce mort ; en le protégeant tu protégeras celui qui s’est allié à toi. Je n’ai plus qu’une parole à dire. Plût aux Dieux que j’eusse une voix qui sortît de mes bras, de mes mains, de mes pieds, de mes cheveux, par l’art de Daidalos ou de quelque Dieu, afin que tout cela pût s’attacher à la fois à tes genoux en pleurant et en te parlant à la fois ! Ô Maître ! ô la plus grande lumière des Hellènes ! laisse-toi persuader, tends une main vengeresse à la vieille femme, quoiqu’elle ne soit plus rien ; mais, cependant, fais-le, car il appartient à un homme généreux de soutenir la justice et de châtier les mauvais toujours et partout.

LE CHŒUR.

C’est une chose étrange que la façon dont tout arrive aux mortels, et que cette loi de la nécessité qui change en