Page:Euripide, trad. Leconte de Lisle, I, 1884.djvu/560

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

faux jugement des citoyens, en partie avec justice, parce qu’ils sont impuissants à protéger la Cité. Je plains surtout la malheureuse Hellas qui, lorsqu’elle veut accomplir de belles actions, laisse aller les Barbares, des hommes de vices, et qui la raillent à cause de toi et de ta fille. Certes, ce n’est pas dans son propre intérêt que je nommerais un homme chef d’un pays ou d’une armée. Il faut qu’un chef de Cité soit sage ; car tout homme sage est un bon chef.

LE CHŒUR.

C’est une chose cruelle qu’il y ait outrage et querelle entre frères, quand ils tombent en contestation.

AGAMEMNÔN.

Je veux t’accuser aussi, en peu de paroles, sans hausser les paupières avec trop d’impudence, mais avec modération, puisque tu es mon frère ; car l’homme juste est plein de pudeur. Dis-moi, pourquoi respires-tu la colère ? Pourquoi cet œil sanglant ? Qui t’a outragé ? Que te manque-t-il ? Tu désires recouvrer une femme vertueuse ? mais je ne puis te la donner. Tu as mal dirigé celle que tu possédais. Pourquoi souffrirais-je de tes maux, moi qui n’ai point failli ? Mon ambition te blesse-t-elle ? Veux-tu posséder une belle épouse au mépris de la raison et de l’honneur ? Les jouissances d’un mauvais homme sont mauvaises. Pour moi, si, ne pensant pas bien d’abord, j’ai changé sagement de pensée, suis-je donc en démence ? N’est-ce point toi, plutôt, qui, ayant perdu une méchante femme par l’heureuse faveur d’un Dieu, veux la reprendre ? Des prétendants follement désireux de noces ont juré le serment Tyndaréen. L’Espérance, je crois, fut la