Page:Euripide, trad. Leconte de Lisle, I, 1884.djvu/591

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

mère, je te supplie ! Ton nom m’a perdue ; il faut qu’il me vienne en aide. Je n’ai point d’autre autel où me réfugier que tes genoux, et aucun autre ami n’est auprès de moi. Tu as appris le dessein cruel et horrible d’Agamemnôn, et, comme tu vois, je viens, moi, femme, au milieu d’une armée navale sans frein, prompte au mal, mais au bien aussi, quand ils le veulent. Si donc tu oses me protéger de ta main étendue, nous sommes sauvées ! sinon, nous sommes perdues !

LE CHŒUR.

Enfanter est une chose terrible, et c’est un grand désir commun à toutes les mères de tout entreprendre pour leurs enfants.

AKHILLEUS.

Un grand cœur s’émeut en moi, sachant aussi souffrir du malheur et jouir avec modération des choses heureuses. Des hommes ainsi faits ont la volonté de mener une vie toujours droite, par la raison et par la sagesse. Quelquefois, à la vérité, il est bon de ne pas être sage, mais il arrive aussi que la prudence est utile. Pour moi, élevé par un homme très vénérable, par Kheirôn, j’ai appris à avoir des mœurs simples. J’obéirai aux Atréides, si leurs ordres sont justes, mais non quand ils seront iniques. Ici et dans Troia, je ferai preuve d’un libre cœur et je montrerai du courage autant qu’il est en moi. Pour toi, si misérablement accablée de maux par ceux qui te sont le plus chers, autant qu’un jeune homme le pourra dans sa compassion pour toi, je te consolerai. Jamais ta fille, qui a été appelée mienne, ne sera égorgée par son père ; je ne me prêterai pas aux ruses mensongères de ton mari ; car mon nom, même sans lever le fer, tuerait ta fille. Ton