Page:Euripide, trad. Leconte de Lisle, II, 1884.djvu/318

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EURYSTHEUS.

Femme, sache bien que je ne te flatterai pas, et que je ne dirai rien pour ma vie qui puisse me faire accuser de lâcheté. Je me suis engagé dans cette querelle contre mon gré. Je savais, en effet, que j’étais ton parent et celui de ton fils Hèraklès ; mais, soit que je le voulusse ou non, Hèra, car elle était Déesse, m’a contraint de prendre part à ce malheur. Après que je fus devenu l’ennemi de ton fils et que je dus soutenir cette lutte, je me mis à ourdir mille maux ; et je méditais, toutes les nuits, mille ruses pour repousser et tuer mon ennemi, afin de ne pas vivre toujours dans la crainte, sachant bien que ton fils n’était pas un homme vulgaire, mais un héros. Or, quoique mon ennemi, je reconnais que c’était un homme héroïque. Lui mort, me sachant haï de ses enfants, à cause de l’inimitié paternelle, il me fallait tout remuer et ourdir toutes les ruses pour les chasser et les tuer. En agissant ainsi, j’étais en sûreté. Toi même, si tu avais eu ma destinée, n’aurais-tu pas ourdi de mauvais desseins contre les petits détestés d’un lion terrible ? Leur aurais-tu permis d’habiter tranquillement Argos ? Tu ne persuaderas personne de ceci. Maintenant donc, puisqu’ils ne m’ont point tué dans le combat quand j’étais prêt à mourir, si j’étais mis à mort, contre la coutume des Hellènes, ce serait une impiété pour qui me tuerait, car cette Ville a sagement respecté ma vie, mettant la loi divine bien au-dessus de son inimitié contre moi. J’ai répondu aux paroles que tu as dites, et c’est maintenant qu’on peut me nommer un homme bien né ou un suppliant. Telles sont mes pensées. Bien que je ne désire point mourir, je ne me plaindrai nullement de perdre la vie.