Page:Euripide, trad. Leconte de Lisle, II, 1884.djvu/457

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

vie ! Quand deux ennemis, en effet, habitent sous le même toit, il est inévitable que l’un ou l’autre périsse. Je veux donc agir avec toi, et tuer le fils en entrant dans les demeures où le festin est préparé, et, m’acquittant envers les Maîtres qui m’ont nourri, subir la mort ou voir avec eux la lumière. Le nom seul, en effet, est honteux pour les esclaves. En toute autre chose, un esclave n’est point au-dessous des hommes libres, s’il est honnête.

LE CHŒUR.

Et moi, chère Maîtresse, je veux aussi partager avec toi cette mauvaise fortune. Je veux mourir ou vivre irréprochablement.

KRÉOUSA.

Ô mon âme ! Comment me tairai-je ? Comment révéler une union illégitime et dépouiller la pudeur ? Car quel empêchement s’oppose encore à moi ? Avec qui engagerai-je un combat de vertu ? Mon mari n’est-il pas le traître ? Me voici privée de demeure et d’enfants ; les espérances sont mortes que je désirais garder, et je ne le peux, en taisant cette union, en taisant cet enfantement très lamentable ! Mais non ! Par le thrône étoilé de Zeus, par la Déesse qui habite sur mes rochers, par le rivage sacré du marais de Tritôniade, je ne cacherai pas plus longtemps cette union, car en déchargeant mon cœur de ce secret, j’en serai plus allégée ! Mes yeux ruissellent de larmes, et mon âme gémit, tombée dans les embûches des hommes et des Dieux que je montrerai ingrats et traîtres envers le lit nuptial. C’est à toi, qui unis ta voix à la Kithare aux sept cordes, et qui sonnes sur les cornes agrestes et inanimées