Page:Euripide, trad. Leconte de Lisle, II, 1884.djvu/456

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pas cela en haine de ton mari ; mais je t’aime mieux que lui qui, t’ayant épousée, bien qu’étranger dans la Ville et dans ta demeure, et s’étant emparé de tout l’héritage, est surpris ayant eu des enfants d’une autre femme. Je dirai comment cela est arrivé secrètement. Quand il eut vu que tu étais stérile, il ne voulut point pour lui d’une telle mauvaise fortune ; il entra en secret dans un lit servile et il engendra cet enfant, et il l’envoya au loin à quelque Delphien, pour en être élevé ; et l’enfant fut caché dans les demeures du Dieu pour qu’on l’y élevât. Et dès que le père eut appris qu’il était arrivé à l’adolescence, il te persuada de venir ici au sujet de ta stérilité. Ainsi le Dieu n’a point menti ; mais c’est lui qui t’a trompée, en élevant un fils depuis longtemps, et en méditant de telles ruses. S’il eut été découvert, il eut tout rejeté sur le Dieu, et, s’il eut réussi à tout cacher, il lui aurait, en s’aidant du temps, légué la puissance royale sur les Athènaiens. Et il forme à loisir ce nom d’Iôn, parce que cet enfant l’a rencontré sans doute comme il sortait du Temple. Hélas ! combien je hais à jamais les hommes pervers qui commettent des actions injustes et les parent ensuite de ruses ! J’aime mieux avoir un ami simple et honnête, qu’un plus habile et mauvais. Et tu subiras cet excès de malheurs, de voir commander dans ta maison un homme de rien, et qui n’a pas de mère, étant né de quelque femme esclave ! Le mal eût été moindre si, en raison de ta stérilité, il eût amené dans ta demeure un enfant né de bonne race ; et si cela t’eût semblé amer, il eût fallu au moins qu’il se mariât parmi les Aiolides. Il faut que tu te venges en femme, ou en tirant l’épée, ou par quelque ruse, ou que tu fasses périr ton mari et son fils par le poison, avant que la mort te soit donnée par eux ! Si tu négliges ceci, tu perdras la