Page:Euripide, trad. Leconte de Lisle, II, 1884.djvu/495

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IÔN.

Ô toi, qui changes la destinée des vivants innombrables, afin qu’ils soient tour à tour heureux et malheureux, ô Fortune, en étais-je donc venu à ce point, ou de tuer ma mère ou de périr par elle ! Hélas ! de telles choses ne sont-elles point vues chaque jour, partout où luisent les rayons de Hèlios ? Mais je t’ai retrouvée, chère mère, et on ne peut en rien me reprocher ma naissance. Cependant, je dirai le reste à toi seule. Approche ici ; je veux te parler à l’oreille et répandre les ténèbres sur mes paroles. Fais attention, mère, ayant commis la faute commune aux vierges qui se livrent à des unions furtives, de ne point rejeter cette faute sur le Dieu, et, pour m’épargner la honte, de ne point dire que j’ai été engendré par Phoibos, quand tu ne m’as point conçu d’un Dieu.

KRÉOUSA.

Non ! Par Athana victorieuse, qui vint autrefois sur son char secourir Zeus contre les Enfants de la Terre, aucun des mortels n’est ton père, fils, mais bien le roi Loxias qui t’a élevé !

IÔN.

Comment donc a-t-il donné son fils à un autre père, et dit-il que je suis né de Xouthos ?

KRÉOUSA.

Il ne dit pas que tu es né de celui-ci ; mais il te donne à lui, toi, son fils. Un ami, en effet, peut donner pour héritier son fils à un ami.