Page:Euripide, trad. Leconte de Lisle, II, 1884.djvu/505

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vieillard inutile), de peur que, parvenus à l’âge viril, ils tirent vengeance du meurtre de leur aïeul maternel. Et moi, que mon fils a laissé ici pour nourrir et garder sa famille et sa demeure, tandis qu’il est plongé dans la noire obscurité de la terre, je viens, afin que ses enfants ne meurent pas, m’asseoir avec leur mère à l’autel de Zeus Sôtèr, que mon noble fils éleva comme un monument de sa lance victorieuse, après qu’il eut défait les Myniens. Nous restons ici, manquant de toutes choses, de nourriture, d’eau, de vêtements, et reposant nos flancs sur la terre nue ; car nous sommes chassés de notre demeure, et nous désespérons de notre salut. Je vois que, de tous nos amis, les uns ne sont pas sûrs, et que les véritables ne peuvent nous aider. L’adversité (puisse-t-elle ne jamais frapper ceux qui m’aiment !) est, parmi les hommes, l’épreuve la plus certaine des amis.

MÉGARA.

Ô vieillard ! qui détruisis autrefois la Ville des Taphiens, en menant glorieusement l’armée des Kadméiens, combien ce qui vient des Dieux est incertain pour les hommes ! En effet, en ce qui concernait mon père, je n’étais point maltraitée par la fortune. Autrefois, orgueilleux de ses richesses, il possédait la puissance royale qui excite l’ambition et les guerres contre les Rois, et il me donna à ton fils, et me valut une illustre alliance en me mariant à Hèraklès. Et, maintenant, tout cela s’est envolé et n’est plus, et nous mourrons tous deux, vieillard, ainsi que les enfants de Hèraklès, que j’abrite de mes ailes, comme une poule qui couve ses poussins ! Et, pour me questionner, ils s’approchent aussi l’un après l’autre : — Ô mère, disent-ils, en quel lieu de la terre est allé notre père ? Que fait-il ?