Page:Euripide, trad. Leconte de Lisle, II, 1884.djvu/657

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LE CHŒUR.

Comment, ô malheureux, avez-vous subi cela ?

ODYSSEUS.

Dès notre entrée dans l’antre rocheux, il alluma du feu, en jetant dans le large foyer des troncs de grands chênes qui eussent fait la charge de trois chars ; et il a dressé son lit auprès de la flamme. Il remplit ensuite jusqu’aux bords un kratèr de dix amphores ; et, après avoir trait ses vaches, il y versa le lait blanc. Et il a posé auprès un scyphon de lierre, large de trois coudées, et qui, semblait-il, en avait quatre de profondeur. Et il fit bouillir sur le feu un bassin d’airain ; puis, il prit des broches d’épine, durcies au feu par le bout, et dont le reste était poli par la serpe ; puis, des vases aitnaiens taillés par la hache · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · Et, quand tout fut préparé par cet odieux cuisinier d’Aidès, il saisit deux d’entre mes compagnons qu’il égorgea avec un certain ordre ; et il jeta l’un dans le creux bassin d’airain, et, prenant l’autre par le dernier tendon de la jambe, il lui écrasa la cervelle jaillissante contre une pointe aiguë du rocher ! Puis, enlevant les chairs avec son affreux couteau, il les rôtit sur le feu, et fit bouillir les autres membres dans le bassin. Et moi, misérable ! les yeux ruisselants de larmes, j’étais auprès du Kyklôps et je le servais ; et les autres, tels que des oiseaux, tremblaient de peur dans les coins de l’antre, et n’avaient plus de sang dans le corps. Enfin, quand rassasié de la chair de mes compagnons, il se fut recouché, renvoyant de sa gorge un air infect, il me vint quelque chose de divin dans l’esprit ; et, remplissant une coupe de ce vin de Marôn, je la lui offris, afin qu’il bût, en lui disant : — Ô fils du Dieu