Page:Euripide - Théâtre, Artaud, 1842, tome 1.djvu/102

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tes pas, plongé dans une réflexion profonde, et l’esprit partagé entre deux sentiments opposés ?

Ménélas

Laisse-moi ; dans les réflexions qui m’occupent, je ne sais à quel parti m’arrêter.

Oreste

Ne prends pas encore ta résolution, mais écoute mes paroles avant de te décider.

Ménélas

Parle ; tu as raison : il est des cas où il vaut mieux se taire que de parler ; d’autres, où il vaut mieux parler que de se taire.

Oreste

[640] Eh bien ! je vais parler : les longs discours valent mieux que les courts, et sont plus clairs. Ménélas, ne me donne rien de ce qui est à toi, mais rends-moi ce que tu as reçu de mon père : je ne parle pas des richesses ; ma richesse sera ma vie, si tu la sauves ; c’est ce que j’ai de plus précieux au monde. Ma cause est-elle injuste ? Mais en échange de tant de maux, j’ai droit d’attendre de toi, même une injustice. En effet, c’est injustement que mon père, Agamemnon, rassembla la Grèce et marcha contre Ilion, sans avoir commis lui-même aucune faute, mais pour réparer la faute et l’injustice de ton épouse. C’est un service que tu dois me rendre, en échange d’un autre service. Il a réellement exposé sa vie pour toi, comme un ami doit le faire pour ses amis, affrontant les hasards des combats, afin de te faire rendre ton épouse. Rends-moi donc ce que tu as reçu de lui ; affronte un seul jour de peine pour me sauver, et non dix ans de fatigues. Quant au sacrifice de ma sœur