Page:Euripide - Théâtre, Artaud, 1842, tome 1.djvu/30

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 glorieusement, afin que la Grèce prospère, et que vous subissiez les conséquences de vos principes !

LE CHŒUR.

[332] Hélas ! hélas ! quelle misère d’être esclave, de céder à la force, et de supporter de tels outrages !

HÉCUBE.

O ma fille ! les paroles que m’arrache ta mort se perdent dans les airs. Peut-être tu pourras plus que ta malheureuse mère ; ne néglige rien, fais entendre des accents plaintifs comme ceux du rossignol, afin qu’on épargne ta vie ; tombe en pleurs aux genoux d’Ulysse, et touche son cœur ; il a des enfants, il aura pitié de ton sort.

POLYXÈNE.

[342] Je te vois, Ulysse, retirer ta main et détourner ton visage, de peur d’être touché par moi (16). Ne crains rien, tu n’as pas à redouter mes supplications (17) : je te suivrai, et pour obéir à la nécessité, et parce que je désire la mort. Avoir d’autres sentiments, ce serait me montrer une femme timide et attachée à la vie ; et comment pourrais-je vivre, moi qui eus pour père le roi de la Phrygie entière ? Tel fut le début de ma vie ; ensuite je fus nourrie des plus belles espérances, fiancée à des rois qui se disputaient l’honneur de me recevoir dans leurs palais. Infortunée, j’étais reine parmi les femmes troyennes, distinguée entre toutes les jeunes vierges, égale enfin aux déesses, hors la condition de mourir ; et maintenant je suis esclave !… Ce nom seul me fait aimer la mort, ce nom auquel je ne suis point faite. Je tomberais entre les mains d’un maître cruel ! il achèterait à prix d’argent la sœur