Page:Euripide - Théâtre, Artaud, 1842, tome 1.djvu/339

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une foule nombreuse d’amis de son âge. Enfin, après avoir calmé ses gémissements, « Pourquoi, dit-il, me désoler de cet exil ? il faut obéir aux ordres d’un père. Attelez ces coursiers à mon char ; cette ville n’existe plus pour moi. » Aussitôt chacun s’empresse, et, plus vite que la parole, nous amenons à notre maître ses chevaux attelés. Il saisit les rênes sur le cercle placé au-devant du char, et il monte lui-même. Puis s’adressant aux dieux, les mains étendues : « Ô Jupiter, s’écrie-t-il, fais-moi périr si je suis coupable ; mais, soit après ma mort, soit pendant que je vois encore le jour, que mon père sache avec quelle indignité il me traite. » En même temps il saisit l’aiguillon, et en presse ses coursiers. Pour nous, ses serviteurs, derrière le char, et non loin des rênes, nous suivions notre maître, sur la route directe d’Argos et d’Épidaure. À peine étions-nous entrés dans la partie déserte, hors des limites de ce pays, s’offre à nous un rivage, à l’entrée même du golfe Saronique. Là, tout à coup un bruit comme un tonnerre souterrain de Jupiter éclate avec un fracas terrible, et à faire frissonner. Les chevaux dressent la tête et les oreilles ; une vive frayeur nous saisit, ignorant d’où venait ce bruit : mais, en regardant vers le rivage de la mer, nous voyons s’élever jusqu’au ciel une vague immense, qui dérobe à nos yeux la vue des plages de Sciron ;