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NOTICE SUR ANDROMAQUE.

nat de Pyrrhus à Delphes. Or, il a fallu le temps nécessaire pour qu’Oreste allât de Phthie à Delphes, pour que le messager revînt de Delphes à Phthie, et de plus l’intervalle nécessaire pour tramer le complot ; car le messager dit qu’Oreste animait les habitants contre eux. Nous voulons seulement conclure de ceci, que l’intervalle d’une scène suffisait au spectateur pour concevoir le laps de temps indéterminé, plus ou moins étendu selon les besoins de l’événement, sans le mesurer rigoureusement sur le lever ou le coucher du soleil.

Divers traits d’animosité lancés contre Lacédémone prouvent que la guerre était flagrante entre cette république et Athènes, lorsque cette pièce fut représentée. Quand Ménélas vient d’avouer à Andromaque qu’il l’a trompée, elle s’écrie : « Voilà donc la sagesse qu’on estime sur les bords de l’Eurotas ! » (V. 438.) Un peu après, elle fait cette violente sortie : « Ô de tous les mortels les plus odieux au genre humain, habitants de Sparte, conciliabule de perfidies, rois du mensonge, artisans de fraudes, pleins de pensées tortueuses, perverses et fallacieuses, votre prospérité dans la Grèce blesse la justice. Quel crime est inconnu parmi vous ? où voit-on plus de meurtres ? N’êtes-vous pas avides de gains honteux ? ne vous surprend-on pas toujours à dire une chose et à en penser une autre ? » Barnès suppose que ce passage fait allusion à la cruauté des Lacédémoniens envers les Platéens, qu’ils massacrèrent jusqu’au dernier, après qu’ils se furent rendus. V. Thucydide, l. III, 5e année de la guerre du Péloponnèse, 2e année de la quatre-vingt-huitième olympiade.

Un autre passage a servi à déterminer la date de cette tragédie d’une manière plus précise. Ménélas dit (v. 724-727) : « Une ville voisine, et jusqu’ici notre alliée, se montre aujourd’hui notre ennemie ; je vais marcher contre elle à la tête d’une armée, et la soumettre à ma puissance. » Samuel Petit (Miscell., l. III, c. 16) rapporte ces paroles à la guerre de Lacédémone contre les Argiens, à l’occasion des violences de ceux-ci contre les Trézéniens, alliés de Sparte ; et il en conclut que l’Andromaque fut jouée la 2e année de la quatre-vingt-dixième olympiade, sous l’archonte Archias, 420 avant J.-C. Euripide avait alors soixante ans.

Une phrase de l’argument grec donne à penser que cette pièce remporta le second prix.