Page:Euripide - Théâtre, Artaud, 1842, tome 1.djvu/460

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giens qui suivirent Polynice au siège de Thèbes, après y avoir perdu la vie, étaient restés privés des honneurs funèbres, n’avons-nous pas, pour enlever leurs corps et leur donner la sépulture sur notre territoire d’Éleusis, fait la guerre aux Cadméens ? »

Cette noble fierté, par laquelle un peuple entier s’associe à la politique généreuse de ses pères, n’était pas le seul intérêt que le sujet des Suppliantes eût alors pour Athènes. En effet, l’auteur de l’argument grec placé en tête de la pièce dit qu’elle fut représentée sons l’archonte Antiphon, la 3e année de la 90e olympiade (418 ayant J.-C.), époque où les Argiens et les Lacédémoniens firent la paix et conclurent un traité d’alliance. On était alors au milieu de la guerre du Péloponnèse. (Cette même année, les Argiens firent une invasion sur le territoire de l'Attique. (V. Thucydide, I. V.) Soit que la tragédie ait été composée avant ou après l’invasion, le but n’en est pas moins de faire ressortir l’ingratitude des Argiens envers les Athéniens, leurs bienfaiteurs. Aussi quel effet devaient produire sur la foule des spectateurs les paroles de Minerve, lorsqu’au dénoûment elle venait recommander à Thésée d’exiger des Argiens, ayant de leur rendre les cendres de leurs chefs, le serment de ne jamais porter les armes contre Athènes, et de venir à son secours si d’autres ennemis l’attaquaient ! « Et, ajoutait-elle, si, au mépris de leur serment, ils marchaient contre cette ville, appelle la malédiction et la ruine sur le pays des Argiens. »

Il serait superflu d’insister sur l’intérêt patriotique que devait offrir le sujet, traité de ce point de vue. On rencontre d’ailleurs à chaque pas des allusions politiques soit sur le gouvernement des Athéniens, soit sur les événements contemporains ; ce qui fait dire au scholiaste que nous avons déjà cité : « Cette pièce est un éloge public d’Athènes. »