Page:Euripide - Théâtre, Artaud, 1842, tome 1.djvu/479

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Rien de plus funeste à l’état qu’un tyran : là d’abord l’autorité des lois n’est plus générale ; lui seul dispose de la loi, et elle n’est plus égale pour tous. Mais les lois écrites donnent au faible et au puissant des droits égaux ; le dernier des citoyens ose répondre avec fierté au riche arrogant qui l’insulte ; et le petit, s’il a pour lui la justice, l’emporte sur le grand. La liberté règne où le héraut demande : « Qui a quelque chose à propose pour le bien de l’état ? » Celui qui veut parler se fait connaître ; celui qui n’a rien à dire garde le silence. Où trouver plus d’égalité que dans un tel état ? Partout où le peuple est le maître, il voit avec plaisir s’élever de vaillants citoyens ; mais un roi voit en eux autant d’ennemis, et il fait périr les plus illustres et les plus sages, par crainte pour sa tyrannie. Comment un état pourrait-il encore être fort, quand un maître y moissonne l’audace et la jeunesse, comme on fauche les épis dans un champ au printemps ? À quoi bon amasser des biens et des richesses pour ses fils, si l’on travaille seulement à enrichir le tyran ? Qui prendra soin d’élever ses filles honnêtement dans sa maison, pour préparer des voluptés au tyran dès qu’il le voudra, et des larmes à sa famille ? Plutôt mourir que de voir mes filles devenir la proie de la violence ! En voilà assez pour repousser tes attaques. Mais que viens-tu demander à ce pays ? Et sache que si tu n’étais l’envoyé d’une ville, tu ne m’aurais pas impunément fatigué par des discours superflus. Un messager doit s’acquitter promptement de sa mission, et retourner aussitôt vers la ville qui l’envoie. Que