Page:Euripide - Théâtre, Artaud, 1842, tome 1.djvu/480

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Créon, à l’avenir, envoie vers nous un héraut moins bavard.


LE CHŒUR

Quand le sort favorise les méchants, ils deviennent insolents, comme s’ils devaient être toujours heureux.


LE HÉRAUT.

Je vais te répondre : Sur le point discuté entre nous, garde ton avis ; moi je suis d’un avis contraire. Mais je vous fais défense, au nom du peuple thébain, de recevoir Adraste en cette contrée ; s’il y a été reçu, qu’avant le coucher du soleil, sans être retenu par la sainte barrière des rameaux suppliants, il en soit chassé. Ne cherchez point à enlever les morts de force, puisque aucun intérêt ne vous met en rapport avec la ville des Argiens. Si tu te rends à ma demande, tu pourras gouverner ta patrie sans orages ; sinon, les flots de la guerre vont se déchaîner sur nous, sur toi et sur tes alliés. Mais réfléchis ; et, sans t’irriter de mes paroles en qualité de chef d’un état libre, ne me fais pas une réponse altière, dont la force des bras soit la dernière raison. L’espérance est un don funeste, qui souvent met aux prises les cités, en exaltant à l’excès leur orgueil. En effet, lorsqu’un état vient à délibérer sur la guerre, personne ne songe plus à sa propre mort ; mais chacun détourne le malheur sur autrui. Mais si l’on avait devant les yeux la mort en déposant son suffrage, jamais la fureur de la guerre n’aurait ruiné la Grèce. Et cependant tous les hommes connaissent la différence du bien et du mal, tous savent combien la paix vaut mieux que la guerre. D’abord elle est amie des Muses et ennemie des Furies ; elle aime à peupler les états, elle se plaît à les enrichir. Méchants que nous sommes, nous abandonnons tous ces biens pour allumer la guerre : hommes et cités,