Page:Euripide - Théâtre, Artaud, 1842, tome 1.djvu/499

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, illustres entre tous les Argiens ; et maintenant, sans enfants, je vieillis dans l’abandon le plus misérable, ne comptant ni parmi les morts, ni parmi les vivants ; ma destinée s’achève en dehors des uns et des autres.

Infortunée, ce qui me reste, ce sont, mes larmes ; les tristes monuments que je conserve de mon fils, ce sont des chevelures coupées en signe de deuil, des couronnes déposées, les offrandes qu’on fait aux morts, des chants odieux à Apollon, à la chevelure d’or. Dès le matin, réveillée par la douleur, j’arroserai mon voile de mes larmes.

Mais déjà je vois le monument de Capanée et sa tombe sacrée ; je vois hors du palais les dons que Thésée offre aux mânes : près de nous s’avance la noble épouse du héros que la foudre de Jupiter a frappé, Évadné, à qui le roi Iphis a donné le jour. Pourquoi s’arrête-t-elle sur ce rocher élevé qui domine le palais, après s’être dirigée vers nous ?

EVADNE.

Pourquoi le soleil a-t-il fait briller son éclatante lumière ? pourquoi la lune a-t-elle lui dans les cieux, d’où elle éclaire les danses nocturnes des nymphes légères, lorsque la ville d’Argos célébra, par des chants, la joie de mon hymen avec le héros Capanée, à l’armure d’airain ? Je suis accourue de ma maison, furieuse et désespérée, pour m’emparer du bûcher et m’enquérir du tombeau de mon époux, afin de terminer avec lui, chez Pluton, ma vie douloureuse, et de trouver la fin de mes peines. La mort est douce, quand on partage la mort de ceux qu’on aime, et que le sort nous accorde cette faveur.