Page:Euripide - Théâtre, Artaud, 1842, tome 1.djvu/527

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attachés avec des liens d’osier, des vases remplis de fromage, et la tête chauve de ce vieillard tout enflée des coups qu’il a reçus.

Silène

Ah ! malheureux que je suis ! j’ai la fièvre à force d’avoir été battu.

Le cyclope

Par qui ? Vieillard, qui t’a ainsi frappé à la tête ?

Silène

Ce sont ces gens-là, Cyclope, parce que je ne voulais pas leur laisser prendre ton bien.

Le cyclope

Ils ne savaient donc pas que je suis dieu, et issu des dieux ?

Silène

[232] Je le leur ai dit ; mais ils n’emportaient pas moins tes trésors, ils mangeaient ton fromage malgré moi, ils emmenaient tes agneaux ; ils disaient qu’ils t’attacheraient toi-même à un carcan de trois coudées ; qu’à ta vue et sous ton œil unique, ils t’arracheraient les entrailles ; qu’ils te sillonneraient le dos à coups de fouet ; qu’ensuite ils te lieraient, te jetteraient sous les bancs de leur vaisseau, et te vendraient pour travailler dans les carrières, ou pour faire tourner le moulin[1].

Le cyclope

[241] Vraiment ? Va donc au plus vite aiguiser mes couteaux, mes épées, mon sabre tranchant ; entasse des fagots, et mets-y le feu ; car je veux les égorger sur-le— champ et m’en rassasier : je mangerai les uns rôtis sur les charbons, les autres cuits à la marmite et bouillis. Aussi bien suis-je las de ma nourriture sauvage ; j’ai

  1. Ce qui était un châtiment réservé aux esclaves.