Page:Euripide - Théâtre, Artaud, 1842, tome 1.djvu/58

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 la vue à tes yeux, jamais tu ne reverras tes fils que j’ai égorgés.

DEMI-CHŒUR.

Ô ma maîtresse, tu as donc triomphé du Thrace, tu as vaincu cet hôte perfide, tu as accompli ce que tu dis ?

HÉCUBE.

Tu vas le voir sortir de la tente, privé de la lumière, et marchant d’un pas incertain ; tu verras les cadavres de ses deux fils que j’ai massacrés, aidée de ces braves Troyennes : ma juste vengeance est assouvie. Le voici qui s’avance ; je m’éloigne, pour me dérober à la fureur bouillante de ce Thrace indomptable.

POLYMESTOR (43).

[1056] Hélas ! hélas ! Où aller ? où rester ? où aborder ? Tel que les animaux sauvages qui habitent les montagnes, je me traîne sur mes mains pour les poursuivre. Quel chemin prendre ? par ici, ou par là ? Où pourrai-je saisir ces Troyennes homicides, auteurs de ma ruine ? Misérables, misérables Phrygiennes ! ô monstres ! quelle retraite les dérobe à ma fureur ? O soleil ! ne peux-tu guérir la plaie sanglante de mes yeux, et dissiper les ténèbres qui m’environnent ? Ah !… mais silence ! j’entends les pas furtifs de ces femmes. Où m’élancerai-je pour me repaître de leurs chairs et de leurs os, festin digne des bêtes farouches, et pour venger mon injure et leur faire expier mes tourments ? Malheureux ! où suis-je ? où vais-je ? J’ai livré mes enfants, à ces bacchantes infernales, qui déchirent leurs membres, comme une proie offerte aux chiens dévorants, et dispersée sur les montagnes. Où m’arrêter ? où me tourner ? où aller ? Comme un navire qui replie