Page:Euripide - Théâtre, Artaud, 1842, tome 2.djvu/110

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tous ceux qui ont l’expérience de la vie. Mais elle a dit une autre parole.

Oreste.

Laquelle ? En me la communiquant, peut-être l’entendras-tu mieux.

Pylade.

C’est une honte pour moi, quand tu meurs, de voir la lumière. Avec toi j’ai traversé les mers, avec toi je dois mourir : on m’accusera de peur et de lâcheté à Argos et dans les vallées de la Phocide ! Je passerai aux yeux de la multitude (la multitude est malveillante )pour t’avoir trahi, et m’être sauvé seul, ou même pour t’avoir tué, pour avoir machiné ta mort après la ruine de ta maison, dans l’espoir de ravir ton sceptre en épousant ta sœur, héritière de tous tes biens. Voilà ma crainte, voilà ce qui me fait rougir. Non, rien ne pourra m’empêcher de mourir avec toi, d’offrir avec toi ma tête au glaive et mon corps au bûcher, moi, ton ami, qui redoute le blâme public.

Oreste.

Sois raisonnable : je dois supporter mes maux ; assez fort pour une seule épreuve, je n’en pourrais supporter deux. Car ce que tu appelles un chagrin, tu l’appelles aussi un déshonneur. Tout cela m’est réservé, si, quand tu partages mes périls, je te donne encore la mort. Car pour ce qui me touche, ce n’est pas un malheur, persécuté par les dieux, comme je le suis, de perdre la vie. Mais toi, tu es