Page:Euripide - Théâtre, Artaud, 1842, tome 2.djvu/362

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dant son enfance fit les délices de sa mère, et qui, lorsqu’elle fut en âge de former les nœuds de l’hymen, reçut le nom de Théonoé ; car son habileté dans les sciences divines lui fait connaître le présent et l’avenir, don glorieux qu’elle reçut de son aïeul Nérée.

Ma patrie n’est pas sans gloire : Sparte m’a vue naître, et Tyndare est mon père. La renommée publie que Jupiter vola dans les bras de ma mère Léda, sous la forme d’un cygne, qui fuyait la poursuite d’un aigle cruel, et lui déroba ainsi les plus secrètes faveurs. Je reçus le nom d’Hélène. Voici l’origine des maux que j’ai soufferts. Junon, Vénus et la vierge fille de Jupiter se disputaient l’honneur d’être reconnue pour la plus belle. Ma beauté, s’il faut appeler beau ce qui est une cause de malheur, fut le prix que Vénus offrit à Pâris, et elle obtint la victoire. Le berger de l’Ida quitte son troupeau et vole à Sparte pour prendre possession de ma personne. Mais Junon, irritée de n’avoir pas vaincu, fit de mon hymen une vaine illusion pour Pâris ; et, au lieu de me donner à lui, elle livre au fils de Priam un fantôme vivant et aérien, formé à ma ressemblance. Il crut me posséder, et fut déçu par une vaine apparence.

D’autres desseins formés par Jupiter ajoutent à mes infortunes. Il allume la guerre entre les Grecs et les malheureux Phrygiens afin de soulager la terre, notre mère commune, du poids d’une population inutile, et de faire connaître le plus vaillant des Grecs. Je tombai au pouvoir des Phrygiens (non ma personne, mais mon nom seul), et je fus le prix disputé par les armes des Grecs. Mercure m’enleva dans les airs ; et m’enveloppant d’un nuage (car la protection de Jupiter ne m’abandonna pas), il me transporta ici dans le palais de Protée, le plus sage des mortels, afin d’y conserver sans souillure ma couche pour Ménélas.