Page:Euripide - Théâtre, Artaud, 1842, tome 2.djvu/363

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Je suis restée en ces lieux, tandis que mon malheureux époux, à la tête d’une puissante armée, a été me redemander à mon ravisseur, sous les remparts de Troie. Une foule de guerriers sont morts pour ma cause sur les bords du Scamandre ; et moi, victime de tant de maux, je suis l’objet des malédictions, et passe pour avoir, en trahissant mon époux, suscité cette guerre terrible à la Grèce. Pourquoi suis-je encore en vie ? J’ai appris de Mercure, que je devais encore habiter la terre illustre de Sparte avec mon époux, lorsqu’il connaîtrait que je ne suis point allée à Ilion, pour ne pas recevoir les embrassements d’un autre. Tant que Prêtée a joui de la lumière, mon hymen a été respecté ; mais depuis qu’il habite le séjour des ombres, son fils me poursuit de ses vœux. Fidèle à mon premier époux, je viens en suppliante sur le tombeau de Protée, pour qu’il me conserve pure à Ménélas, afin que, si mon nom est flétri parmi les Grecs, mon corps du moins reste sans tache.


Teucer.

À quel maître appartient ce superbe palais ? C’est la demeure d’un homme puissant, à en juger par sa magnificence, par cette enceinte royale et bien fortifiée. — Mais, ô dieux ! que vois-je ? l’affreuse image de la femme la plus détestée, de celle qui a causé ma perte et celle de tous les Grecs ! Que les dieux te maudissent pour ta ressemblance avec Hélène ! Si je n’étais sur une terre étrangère, ce rocher, lancé par mon bras, anéantirait en toi cette odieuse image.

Hélène.

Pourquoi donc, malheureux, qui que tu sois, me vois-