Page:Euripide - Théâtre, Artaud, 1842, tome 2.djvu/375

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Hélène.

Ô Troie, ô ville malheureuse, tu péris par un crime qui n’a point été accompli ! Le sang et les larmes, voilà les présents que Vénus t’a faits par mes mains ; dans ta misère, tu accumules douleurs sur douleurs : les mères ont vu périr leurs fils, les jeunes filles ont porté leurs cheveux en offrande sur le tombeau de leurs frères, près des rives du Scamandre. La Grèce a poussé des cris de douleur ; dans son désespoir, elle s’est meurtri la tête à grands coups, elle a fait ruisseler le sang de ses joues. Heureuse vierge d’Arcadie, belle Calisto, qui montas jusqu’à la couche de Jupiter, sous la forme d’un quadrupède, combien tu fus plus heureuse que ma mère, toi qui avec tes membres hérissés, ton aspect farouche, et la figure d’une lionne[1], as trouvé le terme de tes souffrances ! Heureuse encore la fille de Mérope, que Diane chassa du chœur des nymphes à cause de sa beauté, et transforma en biche aux cornes dorées ! C’est ma beauté qui a causé la ruine de Pergame, c’est elle qui a causé la ruine des Grecs.


Ménélas seul.

Pélops, toi qui, dans Pise, vainquis jadis Œnomaüs à la course des chars, ah ! lorsque tes membres coupés en morceaux furent servis aux dieux dans un festin, que n’as-tu perdu la vie parmi eux, avant d’avoir donné le jour à mon père Atrée, qui, de son union avec Aérope, engendra une noble couple, Agamemnon, et moi, Ménélas ! Il est glorieux, je pense, et je le dis sans orgueil,

  1. Calisto fut changée en ourse, et non pas en lionne, selon les traditions mythologiques ; sa métamorphose est racontée par Ovide, Métamorph., iii.