Page:Euripide - Théâtre, Artaud, 1842, tome 2.djvu/380

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demeure royale. Tu es venu mal à propos ; et si mon maître te surprenait, la mort serait le don d’hospitalité qui t’attendrait. Pour moi, j’aime les Grecs ; n’en juge pas par la dureté des paroles que m’a inspirées la crainte de mon maître.

(Elle rentre.)

Ménélas seul.

Que dire ? Que penser de cet étrange événement ? n’est-ce pas un nouveau malheur ajouté à mes autres malheurs, si après avoir ramené de Troie mon épouse, que j’ai laissée dans une grotte, je retrouve dans ce palais une autre Hélène qui porte le même nom ? Elle est fille de Jupiter, a-t-elle dit. Existerait-il sur les bords du Nil un mortel qui porte le nom de Jupiter ? car celui qui habite le ciel est unique. Est-il une autre Sparte que celle qu’arrose l’Eurotas aux bords couverts de roseaux[1] ? Le nom de Tyndare n’est connu qu’une seule fois. Est-il des pays qui portent les noms de Troie et de Lacédémone ? Mon esprit incertain ne sait à quoi s’arrêter. Souvent, dans des régions différentes, des villes et des femmes portent des noms semblables. Il n’y a donc là rien d’étonnant. Je ne veux point me dérober par la fuite au danger que m’annonce cette esclave. Il n’est pas d’homme au cœur assez barbare pour me refuser la nourriture, lorsqu’il apprendra mon nom. L’embrasement de Troie est fameux dans tout l’univers, et moi qui l’ai allumé, je ne suis inconnu dans aucun pays. J’attendrai le maître de ce palais. J’ai d’ailleurs un double moyen d’échapper. Si je le trouve inexorable, je me cacherai, et je reviendrai aux débris de mon vaisseau ;

  1. Voyez une note sur le vers 391 d’Iphigénie en Tauride, p. 97.