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ION.

pas lavé ton corps. Tu fus abandonné dans un antre désert, en proie aux oiseaux dévorants, pour y mourir.

Ion

Ô ma mère, qu’as-tu osé ?

Créuse

La crainte me fit sacrifier ta vie, ô mon fils ; malgré moi, je te livrai à la mort.

Ion

Et moi aussi, dans ma colère impie, j’ai voulu te faire périr.

Créuse

Ah ! nos anciens malheurs et nos malheurs récents, étaient également affreux. Nous sommes tour à tour les jouets de la bonne et de la mauvaise fortune : car les vents sont changeants. Maintenant un souffle plus favorable s’élève : puisse-t-il être durable ! nos maux passés doivent suffire.

Le Chœur

Que les mortels, à la vue de ce qui se passe ici, apprennent à ne jamais désespérer de leur sort.

Ion

Fortune, qui changes sans cesse le sort des mortels et leur dispenses tour à tour le bonheur et le malheur, à quelle terrible alternative m’avais-tu amené, ou de faire périr ma mère, ou de recevoir d’elle le coup fatal ! Dans tous les lieux que le soleil éclaire de ses rayons, ne peut-on pas voir tous les jours de pareils spectacles ? Mais enfin je retrouve une mère chérie, et ma naissance n’a rien que de glorieux. Cependant il est d’autres choses que je veux dire à toi seule. Approche ; je veux te dire ces paroles à l’oreille, et envelopper ces faits de l’ombre du mystère. Garde-toi, ma mère, après avoir cédé à des amours fur-