Page:Europe, revue mensuelle, No 190, 1938-10-15.djvu/110

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que les vacances sont sacro-saintes, que je n’ouvre jamais une feuille quand je suis à La Vicomté.

— J’oublie toujours que tu es un agent de change à principes, dit Claude. Eh bien, la Bourse est convenable. Le Suez a fini autour de 23.000 et des, et la Royal Dutch à 43-44.000. La Norvégienne a monté de 95 points…

— Ce n’est pas mal, dit M. Rosenthal. Qu’est-ce que c’était ? La fameuse confiance des idiots du Palais-Bourbon ?

— Je pense, dit Claude, du ton que Bernard appelait le ton de la rue Saint-Guillaume, que c’est la situation internationale. On a signé hier les accords de La Haye, mais comme la signature était prévue depuis mercredi, la spéculation a marché tout de suite et la clientèle de province a suivi… Le mouvement ne fait que commencer : le plan Young et la banque des Règlements internationaux, ça peut être assez bien pour les marchés européens. Les gens ne demandent comme toujours qu’à être rassurés. S’il n’y avait pas les histoires de Palestine, qui empoisonnent Londres…

Il venait en effet d’y avoir six cents morts en Palestine : ces tueries étonnaient encore des hommes qui devaient, sept ou huit ans plus tard, s’accoutumer avec une effrayante souplesse aux extraordinaires massacres d’Abyssinie, de Chine et d’Espagne.

— J’aurais donné quelque chose, dit Bernard, pour assister à la farce finale de La Haye, quand Henderson a été tellement ému qu’il a remis dans sa poche le stylo en or qu’il venait d’offrir à Jaspar. Tous ces personnages ont dû bien rire, à part Chéron, qui n’avale toujours pas Snowden. Enfin, les troupes françaises vont évacuer la Rhénanie : voilà au moins une canaillerie qui prend fin. Un peu tard.

— Parlons-en, s’écria M. Lyons, qui était à peine moins gros que sa femme, et qui n’avait encore rien dit, parce qu’il mangeait. Parlons-en ! C’est le dernier gage que nous tenions contre l’Allemagne. Ah ! on aura vite profité de la fatigue de Poincaré pour démolir son œuvre ! Ça va être du joli avec ce voyou de Briand…

— Ce n’est pas la première fois, dit M. Rosenthal, qu’une prostatite aura eu des conséquences historiques.

— Édouard ! dit Mme Rosenthal.