Page:Europe, revue mensuelle, No 191, 1938-11-15.djvu/61

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saires le suivirent. Au premier étage une fenêtre s’ouvrit. Régnier se pencha et passa les doigts dans ses cheveux.

— Police, dit le directeur.

— Non ! dit Régnier.

La porte s’ouvrit. Le directeur et les commissaires disparurent.

Les inspecteurs et les gendarmes regardaient toujours la maison et ils devinaient un grand remue-ménage intérieur.

— Ça va se passer gentiment, dit un inspecteur.

— Les arrestations politiques, dit un de ses compagnons, ça n’est pas toujours facile à réussir, mais quand on tient son type, c’est dans le genre doux.

Il leur fallut attendre. Peut-être vingt-cinq minutes ou une demi-heure. Les policiers fumaient et regardaient le paysage pour y reconnaître de loin Le Vésinet, Bezons, Sannois, Rueil et Nanterre. Le temps s’éclaircissait, la brume se levait.

— C’est long, là-dedans, dit un gendarme.

— Monsieur prend son bain, répondit un inspecteur. Ou il apprend par cœur le mandat d’amener.

À la fin, la porte de la maison s’ouvrit ; le prisonnier parut le premier, le directeur suivit, puis les deux commissaires. De la porte à la grille, il y avait un chemin pavé entre les parterres. Ils s’engagèrent sur les cailloux ronds cimentés ; le directeur marchait derrière le prisonnier et comme il jugeait humiliant de ne pas marcher au moins sur la même ligne que lui, il fit un petit changement de pas et s’enfonça dans la terre molle d’un parterre de géraniums. Le prisonnier était beaucoup plus grand que le directeur. Régnier descendit en courant les trois marches du perron : il avait passé un pardessus par-dessus son pyjama et jeté sur ses épaules le plaid qu’il avait demandé à sa femme le jour de la visite de Rosenthal. Il arriva jusqu’aux autos et prit le bras du prisonnier.

— Je ne me pardonnerai jamais cette arrestation, dit-il.

— Mais tu n’y es pour rien, mon pauvre vieux, répondit l’autre. Nous n’en mourrons pas. Et il se mit à rire sans retenir les éclats de sa voix.

— Montez, dit un commissaire.

Un inspecteur sortit de la maison avec la valise de l’homme